Une sérénité au-delà de toutes les épreuves:
comment parler à quelqu’un qui souffre?
Bernard Groom
Cette lettre est adressée à une étudiante du Cours qui a perdu son frère et ressent malgré tout un certain apaisement, alors que son père est totalement accablé par la douleur. Elle demande de l’aide pour trouver l’attitude juste face au chagrin de son père.
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Bonjour Carine,
Je vois mieux ton questionnement. Avec cette situation, tu abordes l’un des aspects les plus difficiles du Cours, qui nous demande de comprendre le rôle de la souffrance dans notre esprit. C’est un sujet délicat, pas simplement à cause de notre difficulté à comprendre le besoin de chacun de souffrir pour exister, mais aussi parce que l’étudiant du Cours doit se méfier de ne pas utiliser ces informations pour devenir insensible et hautain face à la douleur des autres. C’est un vrai défi.
J’ai l’impression que tu as parcouru assez de chemin pour comprendre comment des choses horribles peuvent se passer ici sur terre sans pour autant que l’Amour et la Paix soient détruits. Il existe une Paix et une Sérénité au-delà de toutes les épreuves, un Réconfort prêt à nous accueillir et à soulager nos peines et nos blessures les plus profondes. Cela est vrai, et je crois que tu le sais.
C’est pourquoi il est possible de traverser de telles expériences, de constater le désarroi et le chagrin dans notre esprit, mais d’en sortir en paix et réconforté, dans la connaissance d’une Vérité et d’un Amour encore plus grands que nos peines. Je crois que c’est ce que tu vis avec le décès de ton frère. Tu es bien consciente de la tristesse, de la perte, du désespoir, mais tu sais qu’il n’y a pas que ces expériences douloureuses… Il y a Autre Chose. Si on le veut, on peut basculer dans cet autre Esprit et s’élever au-dessus des terres ravagées du petit esprit accablé de chagrin, pour trouver les champs paisibles, juste là, si proches… mais cela nécessite un vrai acte de volonté pour y aller.
Et cette volonté, tous ne la possèdent pas. Pas encore…
Ta vie récente t’a mise dans des situations tellement éprouvantes que tu as été obligée de chercher à l’intérieur de toi un vrai réconfort, et tu l’as trouvé. Tu l’as trouvé parce que tu voulais arrêter de souffrir. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Arrêter de souffrir est très, très difficile pour beaucoup de gens parce que ça nécessite un changement d’identité. Quand on arrête de souffrir, quelque part, on n’est plus tout à fait la même personne. On est plus grand, on quitte sa petite identité vulnérable, attristée et sensible, pour devenir plus vaste, plus robuste, rempli d’une nouvelle force qui ne vient pas que de nous, mais d’Autre Chose. On apprend à partager sa vie avec cet Autre plus grand que nous.
Tu vois, tout le monde ne veut pas forcément faire ce pas. Certains s’identifient avec le problème et ne peuvent pas concevoir que la personne qui vit ce problème n’est pas leur identité réelle. Ils sont en quelque sorte leur problème, leur situation douloureuse, et pour eux, ça peut être inimaginable de ne pas souffrir de cette situation, tellement ils y sont identifiés. « Comment veux-tu que ça ne m’affecte pas, que je n’en souffre pas?! Tu es un monstre! »
Et ta non-souffrance peut être perçue comme un affront, un déni de la « normalité » de la souffrance, une attaque même contre leur perception et leur état d’esprit. Contre eux. Il faut souffrir de ce problème, selon cette façon de penser. Sinon tu n’es pas humaine, tu n’es pas compatissante. Tu n’es pas gentille. Tu ne sais pas ce que c’est leur souffrance, tu n’as pas leur sensibilité. « Tu ne peux pas comprendre… » disent-ils.
Que faire?
Ce que nous devons apprendre, c’est la patience, la compassion et la compréhension de la difficulté des gens à lâcher prise de la souffrance. Retrouver la Paix et le Réconfort derrière la douleur semble pour l’instant au-delà de leurs capacités. Comme tu as déjà dû en entendre parler, c’est dû à leur peur de l’Amour. Parce que cet Amour n’est pas simplement un réconfort ; c’est toute une nouvelle identité. Et, pour l’instant, ils ne la veulent pas. Ils en ont trop peur.
Donc il n’y a rien à faire. C’est-à-dire que tu fais comme tu as toujours fait, tu discutes avec ton père, tu demandes comment il va et tu insistes un peu si tu le sens.
Ton rôle à toi est d’être heureuse. Mais ton bonheur ne doit pas être une attaque ni un affront à sa souffrance. C’est un bonheur quiet, tranquille, doux, sans fanfare ni trompettes. Ce n’est pas la grande joie exubérante qui lui montre comment tu as pu vaincre la douleur avec ta foi pure et ta grande sagesse. 🙂
Ton rôle est d’être en paix, la paix qui vient d’un cœur qui a souffert, qui sait ce que c’est que d’avoir du mal à lâcher prise et aller au-delà, qui a aussi voulu garder la douleur un certain temps comme un manteau protecteur, comme une couverture familière. Mais un cœur qui a finalement décidé que l’amour et la paix sont infiniment plus désirables que la souffrance. Et qu’il n’y a rien à craindre et rien à sacrifier à lâcher prise maintenant de ce fardeau et de cette peine.
Un cœur qui a aussi une patience infinie, car il se souvient que l’Esprit de l’autre personne est toujours établi dans la paix et l’Amour. Donc il n’y a rien à changer dans la situation. Tout est déjà très bien tel que c’est. Il n’y a que ta parfaite acceptation de la situation, avec les limites de chacun, qui peut guérir les blessures et la communication.
Les limitations abondent partout. Tu en as vu en toi, tes proches, tes amis, tes parents… Ici sur terre, il n’y a que des êtres limités. Mais nous ne sommes pas ces petits êtres. C’est le moment de pratiquer cette « vision duelle », où d’un côté tu vois les imperfections de chacun, et de l’autre tu vois leur perfection, intacte et rayonnante, sans besoin de changement quelconque. Tout est déjà parfait.
Et peut-être que dans la quiétude et la joyeuse acceptation que ton père verra en toi, il percevra une lueur de cette Autre Chose, il entendra un peu du Chant Oublié, juste quelques notes, et il ressentira un peu de soulagement. Tu parleras avec lui de tout et de rien, et tout le temps, au fond de ton esprit, tu ressentiras la guérison qui est déjà présente et complète. Il se peut que ta difficulté provienne du fait que tu voyais seulement le père souffrant et pas l’autre partie de ton père, forte, capable, indemne, tranquille. Il est toujours en train de choisir son expérience, et dans cette capacité de choisir il y a une force et une puissance. Et toi, tu vas l’aider à choisir le bonheur en lui montrant, non pas par des mots mais par la paix présente dans tes yeux, que le réconfort existe et qu’il peut être heureux.